Tintin au pays des parodies parodiées ! 

Dans l'art du XX siècle une démarche artistique s'est particulièrement développée : l'auto-référenciation Ceci concerne les oeuvres qui se renvoient à elles mêmes. Le monde extérieur, artistique ou non, est en apparence inexistant. L'oeuvre offre au spectateur les clés spécifiques et non-exportables qui lui permettront de faire surgir des significations. Dans les parodies ce phénomène est assez répandu. Il n'est pas rare d'être confronté à des situations narratives ou plastiques qui renvoient le lecteur à l'existence m^me du livre qu'il tient ou plus généralement au phénomène de la parodie de Tintin.
Mais si les récits qui reposent fondamentalement sur ce mécanisme sont peu nombreux, le résultat en revanche est assez spectaculaire.

Il y a tout d'abord la série des récits du "Grand secret". L'une des meilleures parodies. L'auteur, Marco, a crée son histoire en parodiant quelques parodies célèbres. La narration traite des relations de ayants droit avec le public, des tintinophiles, etc... Des personnages réels sont intégrés comme Yves Rodier, Bob de Moor, Nick Rodwell, etc.. Pour ceux qui savent lire entre les lignes des surprises amusantes surgissent.

Dans un registre différent il y a "Le petit vingt-cinquième". Récit de grande qualité qui imbrique Tintin dans sa propre existence, dans tous les sens du terme !. Tout commence lorsque Tintin découvre le livre que nous lisons en vitrine.
Même le titre nous plonge dans cette boucle infernale : Hergé a réalisé 24 album... celui-ci est donc le 25 ème. Pour bien enfoncer le clou l'auteur emmène Tintin dans sa propre vie en lui faisant lire "Le Monde d'Hergé" de Benoît Peeters.


Le petit vingt-cinquième

Hergé lui même avait esquissé la voie en introduisant une parodie du magazine "Paris Match" renommé "Paris-Flash" dans les Bijoux de la Castafiore. Hergé s'est limité à la couverture et une seule page. Mais un amateur a eu l'heureuse idée d'éditer réellement ce "Paris Flash" en ajoutant d'autres pages ! Cette parodie parle de l'univers de Tintin et une personne ignorant tous des récits d'Hergé ne pourra pas dégager le sens réel des images et des textes.
Remi Lucas, ans son dernier récit "On a marché sur l'allume cigare" imbrique le livre et sa fabrication dans le récit . Tintin découvre tout comme le lecteur sa propre existence. Le dessinateur va jusqu'à introduire avec maîtrise un impossible temps "0", un présent absolu. Par un cadrage comparable à une "caméra subjective" son propre regard, fixant le dessin qui se réalise, se confond avec celui du lecteur. Les temps se confondent. Le lecteur endosse sans trop s'en rendre compte au début dans la peau du narrateur.
Ce genre de travail superbe n'aura malheureusement pas de suite. Ses parodies sont vendues 23 FF. Un prix pourtant très bas qui n'a pas découragé les recycleurs (et les publications sauvages du net !). Remi Lucas, dépité préfère interrompre sa série..

On pourrait présenter dans ce chapitre l'excellente parodie "Objectif Monde" réalisé par Didier Savard dans un supplément du Monde. Cela nous rappelle l'époque où Hergé éditait ses histoires dans des suppléments annexes au journal Le Soir. Mais l'analogie ne s'arrête pas là. Le héros Wzkxy est un Tintin "ressuscité" ou un clone. Son nom est d'ailleurs imprononçable et on est bien obligé d'utiliser celui de Tintin !. Le récit parle d'un énigmatique et ultime album réalisé par Hergé dont l'existence et la signification sont à mettre en relation avec le "Tintin au pays de soviets". Tous les albums d'Hergé étaient en fait des messages adressés aux Soviétiques par les USA. Hergé agent de la CIA ! La parodie raconte son univers de manière passionnante. Là encore le connaisseur perçoit pleinement toutes les subtilités du récit

Embrouille à Moulinsart est un récit doublement parodique. Les dessins sont un bel hommage à Tardi. L'intrigue pleine de suspens, sur 100 pages, a pour base la mort de Drieu La Rochelle à la libération.