Degrelle se tintinise !

Tintin mon copain est un livre introuvable qui évoque de manière détaillée la vie  et les influences d'Hergé. Il ne s'agit pas d'une BD mais d'une véritable encyclopédie de 231 pages avec des photos, de nombreuses reproductions de planches et écrits d'Hergé. Pourtant le titre n'a rien d'agressif ! Mais c'est le nom de l'auteur qui pose problème : Léon Degrelle, le célèbre nazi belge. 
Ce livre d'extrême droite n'est malheureusement pas sérieux du tout et vous refile une migraine terrible ! Il ne fait en fin de compte que salir Hergé. Dans la notice du livre on peut lire le texte suivant : "Degrelle entreprend ici de démontrer que Tintin c'est lui ! Preuves à l'appui, il nous raconte quand et comment est né le jeune reporter intrépide, mais aussi le contexte culturel, social et politique de l'époque: la montée de Rex, la guerre, l'épuration (qui a touché également Hergé). Les versions censurées de Tintin (après la guerre) sont ici reproduites, ainsi que les nombreux clins d'oeil de Hergé à Léon Degrelle, plus de 400 illustrations et de nombreuses révélations" Il ne manque pas d'air le Léon Degrelle ! Il voit dans les premières aventures aventures de Tintin ses propres voyages et séjours qui ont influencé Hergé à qui il expédiait des comics books. Même la culotte de golf viendrait de Degrelle ! Idem pour la houppette ! Pour Degrelle c'est clair Tintin c'est bien lui ! Mais le pire est ailleurs, dans les analyses comparatives des vignettes d'où surgissent des affirmations douteuses qui fonctionnent d'ailleurs dans tous les sens. Degrelle excuse Hergé d'avoir pensé comme lui, c'était un gentil neutraliste marqué par son éducation catho et conservatrice. C'est souvent trouble et de longs passages n'ont rien à voir avec Hergé. En fait Degrelle laisse aussi avec ce livre une sorte de testament politique dans lequel il glisse des remarques racistes, révisionnistes etc.... Et c'est là que l'insupportable se manifeste. Dire (répéter) qu'Hergé était un brave type, qu'il n'a rien fait de mal et deux pages plus loin reprendre les mêmes arguments pour parler d'Hitler, il y a de quoi avoir la nausée.
Degrelle règle ses comptes et sait qu'en touchant à l'un des mythes les plus forts de la culture Belge, il laissera des traces. On comprend que tous les coups sont bons. Ainsi tout ce qui, de près ou de loin, alimente la polémique autour d'Hergé doit être scrupuleusement décrit et exploité. Tout y passe, même la tombe d'Hergé qui permet au passage d'envoyer quelques piques déplacées et inadmissibles à sa veuve Fanny.

Tintin mon copain propose de nombreuses illustrations de l'oeuvre d'Hergé : albums anciens et nouveaux, vignettes supprimées ou modifiées. Il y a aussi de nombreuses reproductions des dessinateurs amis d'Hergé comme Jam qui sera sérieusement condamné à la libération. Par glissements sémantique grossiers, le portrait d'un Hergé peu recommandable se dessine.
Le dessin de couverture est, paraît-il, de Léon Degrelle lui-même ! Puisqu'il se prend pour Tintin, il n'hésite pas à nous montrer le jeune reporter dans un uniforme de collabo de l'armée belge ! Le nazi Degrelle n'e recule devant rien.
Le livre, achevé au début des années 90 est aujourd'hui interdit. Il a été imprimé à 1000 exemplaires dont 850 ont été saisis et brûlés. Il reste 150 exemplaires en circulation. Une grande partie se trouve chez des collectionneurs. Il a été, paraît-il, entièrement rédigé par Léon Degrelle.
Le bouquin est broché et imprimé en offset sur papier glacé, en noir et blanc avec 2 couvertures mates en couleur. Aujourd'hui l'ouvrage circule sur les sites internet d'extrême droite en format pdf à partir d'une réédition de 2000.
Quelques pages finales ont été ajoutées.
La vie d'Hergé pendant l'occupation et à la libération est connue. Léon Degrelle l'évoque à sa manière, mais n'apporte au niveau des faits rien de nouveau. C'est surtout ce qui se passera après la guerre qui choque dans ses propos. Contrairement à ce qu'il affirme, Hergé a bien rompu avec ses idées de jeunesse et n'a pas du tout entretenu des relations avec lui.

 


La couverture est une terrible provocation.
Petit rappel sur la jeunesse d'Hergé et les années de guerre :
Les idées du jeune Hergé forgées dans un milieu catholique, anticommuniste et boy-scout joueront un grand rôle dans sa vie. Grâce aux recommandations d'un chef scout il sera embauché dans le journal conservateur catholique et nationaliste le "XXème siècle". Il n'est au début qu"un simple employé mais l'abbé Norbert Wallez, le patron du journal, remarque très vite les dessins qu'Hergé réalise encore pour le "Boy-scout Belge". Sa carrière de graphiste prend une nouvelle dimension. L'abbé Wallez, anticommuniste viscéral, aura une grande influence sur Hergé. Et tous les détails contestables qui apparaissent dans Tintin au Congo ou dans Les Soviets s'expliquent plus facilement.. Le jeune Hergé n'est pas à gauche loin de là ! Le premier virage s'effectuera grâce à une autre rencontre : Tchang Tchoung-Jen ! Avec le "Lotus Bleu" l'influence de l'abbé Wallez semble avoir du plomb dans l'aile ! Les impérialismes conquérants et racistes passent à l'enemi... Tout au long des années 30 Hergé dénoncera les trafics d'armes, de drogue, d'argent ou le rôle des sociétés secrètes. Ces thèmes apparaissent dans ces récits (Tintin en amérique, L'oreille cassée, Les cigares du pharaon).
Hergé a su montrer un visage différent après une enfance bien cadrée. Pendant ces années les extrêmes droites européennes ont de l'audience ! Le jeune Hergé écoute avec bienveillance les propos du jeune Lèon Degrelle en pleine ascension. En 1932 avant la fondation du parti "rexiste" de Degrelle, Hergé illustre son "Histoire de la guerre scolaire". Ceci n'apparaît pas toujours dans les biographies d'Hergé. Il n'était pas un militant, ni un homme engagé, mais il était bien dans les années 30 dans la mouvance d'extrême droite du part "rexiste". En 36 Degrelle fait un score remarquable aux élections. Mais les instances catholiques s'opposent à lui. Sa popularité va alors nettement baisser dès 1937.. Devant un Degrelle qui se radicalise, Hergé prendra peu à peu ses distances.
Devant la guerre qui s'annonce Hergé adopte une attitude neutraliste, renvoyant les protagonistes dos à dos. C'est d'ailleurs l'attitude des autorités Belges avant l'éclatement du conflit.
La suite on la connaît (voir la parodie Tintin au pays des nazis). Hergé aura bien des ennuis à la libération. Son retour au journal Le Soir contrôlé par les allemands ne fut pas apprécié par tout le monde. Sur ces années troubles Hergé a exprimé des regrets dans une interview en 1973 : "Je conviens que moi aussi j'ai cru que l'avenir de l'occident pouvait dépendre de l'ordre nouveau. Pour beaucoup, la démocratie s'était montrée décevante, et l'ordre nouveau apportait un nouvel espoir. Au vu de tout ce qui s'est passé, c'était naturellement une grossière erreur d'avoir pu croire un instant à l'ordre nouveau."
Léon Degrelle qui avait fini par endosser l'uniforme SS, ira se planquer en Espagne.

1932 Le livre de Léon Degrelle
illustré par Hergé

 

Stupide et inutile


pour voir le dos de
"Tintin mon copain"

 


Pour voir une page d'analyse à la sauce Degrelle

Dans cette page 159, Degrelle fait d'ailleurs une petite parenthèse sur la BD comme genre mineur sans grande portée artistique...

(cliquez sur l'image)

En 1991 le magazine d'extrême droite Forces Nouvelles reviendra sur les "révélations" de Degrelle. Il est caricaturé en Tintin par Gommer